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Sentence du TAS et protection juridictionnelle effective

Sara Notario – 8 August 2025

Dans l’affaire C-600/23 (Royal Football Club Seraing), la Cour de justice a fourni des clarifications concernant la possibilité, pour les juridictions des Etats membres de l’Union européenne, de contrôler des sentences rendues par des organes arbitraux dans le domaine du sport.

En 2015, le Royal Football Club Seraing (RFC Seraing) a conclu des accords de financement avec Doyen Sports, une société maltaise, qui prévoyaient le transfert de droits économiques de certains joueurs à cette société. Estimant que ces accords violaient les règles applicables concernant l’interdiction aux tiers de détenir des droits économiques sur des joueurs, la Fédération internationale de football association (FIFA) a adopté plusieurs sanctions à l’encontre du RFC Seraing. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) – organe mondial de règlement des différends en matière de sport – et le Tribunal fédéral suisse ont confirmé ces sanctions. Le RFC Seraing a saisi les juridictions belges contre la FIFA, l’Union des associations européennes de football (UEFA), et l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA) en demandant la déclaration de nullité, l’adoption d’injonctions et la réparation des préjudices découlant de la mise en œuvre de règles de la FIFA, que le requérant au principal estime contraires au droit de l’Union européenne. Les juridictions belges ont considéré la sentence rendue par le TAS comme définitive et revêtant le caractère de l’autorité de la chose jugée. Elles ne se sont pas déclarées compétentes pour réexaminer la sentence arbitrale en cause. 

Le RFC Seraing a saisi la Cour de cassation (Belgique), qui a décidé d’introduire une demande de décision préjudicielle, au titre de l’article 267 TFUE, à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, TUE, lu en combinaison avec les articles 267 TFUE et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Plus spécifiquement, la juridiction nationale belge souhaite être éclairée sur la question de savoir si le droit de l’Union européenne peut être interprété en ce sens que les juridictions nationales peuvent être empêchées de contrôler une sentence rendue par un organe d’arbitrage et confirmée par une juridiction d’un Etat tiers, qui n’a pas la possibilité de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union.

En premier lieu, la Cour de justice rappelle sa jurisprudence constante sur le fait que l’Union européenne « est une Union de droit, dans laquelle le droit à une protection juridictionnelle effective revêt une importance cardinale, en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union » (C-619/18, Commission contre Pologne C-896/19, Republika). De ce droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la Charte, correspond l’obligation des Etats membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union européenne, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, et complétée par le mécanisme de renvoi préjudiciel. Lorsqu’un mécanisme d’arbitrage est mis en place sur tout ou une partie du territoire de l’Union, ce mécanisme doit assurer, d’une part, sa compatibilité avec les principes fondamentaux du droit de l’Union européenne et, d’autre part, le respect effectif de l’ordre public de l’Union. Par conséquent, les sentences rendues par les organes arbitraux doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, même limité, conformément aux articles 19 TUE et 47 de la Charte (C-126/97, Eco Swiss C-124/21 P, International Skating Union contre Commission).

En deuxième lieu, concernant le contrôle juridictionnel des sentences rendues par le TAS, les particuliers soumis à ce mécanisme doivent avoir la possibilité de demander à toute juridiction nationale si une sentence arbitrale est compatible avec les principes et les dispositions du droit de l’Union européenne. En particulier, les juridictions nationales compétentes doivent écarter toute règle émanant d’un Etat membre ou d’une association sportive qui interdit aux particuliers concernés de lui demander de leur accorder des mesures provisoires. La sentence du TAS concerne des sanctions disciplinaires imposées par la FIFA, qui a été rendue en vertu d’un mécanisme d’arbitrage institué par la réglementation de la FIFA prévoyant qu’une telle sentence peut faire l’objet d’un recours en annulation devant une juridiction d’un Etat tiers. En l’absence de voies de recours directes devant une juridiction d’un Etat membre de l’Union, les particuliers doivent avoir la possibilité d’obtenir, à titre incident, de la part de toute juridiction d’un Etat membre compétente, assistée si nécessaire de la Cour de justice en vertu de l’article 267 TFUE, un contrôle effectif du respect des principes et dispositions découlant de l’ordre public de l’Union européenne. 

En conclusion, la Cour de justice répond à la question préjudicielle en jugeant que l’article 19 TUE, lu en combinaison avec les articles 267 TFUE et 47 de la Charte, s’oppose à ce que l’autorité de la chose jugée soit conférée à une sentence du TAS sur le territoire d’un Etat membre lorsque la conformité de ladite sentence aux principes et dispositions du droit de l’Union européenne n’a pas été contrôlée au préalable par une juridiction d’un Etat membre, habilitée à saisir la Cour de justice à titre préjudiciel.

Cette décision préjudicielle de la Cour de justice permettra ainsi à la juridiction nationale compétente d’exercer un examen substantiel de la sentence arbitrale du TAS et, a fortiori, des règles de la FIFA. Les effets plus larges d’un tel examen sont susceptibles d’intéresser le développement du domaine de l’arbitrage sportif et son interaction avec le droit de l’Union européenne.

Reproduction autorisée avec la référence suivante : Sara Notario, Sentence du TAS et protection juridictionnelle effective, actualité n° 26/2025, publiée le 8 août 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch;

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