CEJE MEIG Partnerships

Non-communication des mesures de transposition d’une directive et recours en constatation de manquement

Mateusz Miłek – 30 mai 2025

Dans quatre arrêts rendus le 22 mai 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que les Pays-Bas (aff. C-213/23 Commission/Pays-Bas), la Belgique (aff. C-215/23 Commission/Belgique), la Bulgarie (aff. C-237/23 Commission/Bulgarie) et la Lettonie (aff. C-238/23 Commission/Lettonie) avaient manqué à leurs obligations découlant du droit de l’Union. Dans l’ensemble de ces affaires, le manquement constaté concernait le défaut de communication à la Commission européenne des mesures de transposition de la directive (UE) 2019/1024 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public.  Cette obligation résultait de l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive, aux termes duquel les États membres devaient, au plus tard le 17 juillet 2021, adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à sa transposition et communiquer « immédiatement » le texte de ces dispositions à la Commission européenne. Faute de communication dans le délai imparti, la Commission a adressé aux quatre États membres concernés des lettres de mise en demeure, suivies d’avis motivés, en les invitant à se conformer à cette obligation dans un délai de deux mois.

Or, à l’expiration de ce nouveau délai, les États membres n’avaient toujours pas communiqué le texte des mesures de transposition nécessaires. Dans ce contexte, la Commission a saisi la Cour de justice de quatre recours en manquement en lui demandant de condamner les quatre États membres concernés au paiement d’une somme forfaitaire et d’une astreinte journalière. Ces demandes ont été introduites sur la base de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, autorise la Commission, d’indiquer le montant des sanctions pécuniaires lorsque le recours en manquement est fondé sur un défaut de communication des mesures de transposition d’une directive adoptée selon une procédure législative.

Dans son arrêt, la Cour de justice a d’abord rappelé que l’obligation de communication à la Commission des mesures de transposition d’une directive découle du principe de coopération loyale édicté à l’article 4, paragraphe 3, TUE et vise à faciliter l’accomplissement de la mission de la Commission consistant, selon l’article 17 TUE, à veiller à l’application des dispositions des traités ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de ceux-ci. Dès lors, le non-respect de cette obligation justifie, à lui seul, l’ouverture de la procédure de l’article 258 TFUE visant à la constatation de ce manquement. Enfin, la Cour a précisé que même si l’ensemble des États membres concernés avaient finalement communiqué les mesures de transposition en cours de la procédure devant la Cour, cette dernière a considéré que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission.

S’agissant des sanctions pécuniaires, la Cour a jugé que leur montant devait être adapté aux circonstances et proportionné à l’infraction commise. Au rang des facteurs pertinents à cet égard figurent des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui-ci a persisté ains que la capacité de paiement de l’État membre en cause. A cet égard, la Cour a souligné que l’adoption des mesures nationales de transposition et leur communication à la Commission constituent des « obligations essentielles » des États membres, dont le manquement revêt une gravité certaine. En fonction des spécificités de chaque affaire, notamment la durée du manquement et la capacité de paiement de l’État membre concerné, la Cour de justice a infligé des sommes forfaitaires allant de 250 000 euros (Lettonie) à 10 000 000 euros (Pays-Bas). En revanche, les États membres ayant finalement communiqué les mesures de transposition à la Commission après l’introduction du recours en manquement, la Cour a jugé que les demandes de cette institution tendant à la condamnation des États membres au paiement d’une astreinte journalière étaient devenues sans objet.

Ces arrêts illustrent l’importance de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit par le traité de Lisbonne, qui permet à la Commission européenne de solliciter des sanctions pécuniaires dès le premier recours en manquement, lorsque celui-ci est fondé sur un défaut de communication des mesures de transposition d’une directive. Cette évolution contribue à garantir la pleine effectivité du droit de l’Union et à dissuader les retards dans sa mise en œuvre.

Reproduction autorisée avec la référence suivante : Mateusz Miłek, Non-communication des mesures de transposition d’une directive et recours en constatation de manquement, actualité n° 16/2025, publiée le 30 mai 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch

Newsletter

La newsletter vous offre un éclairage sur les derniers développements de l’actualité européenne.